PublicationsCartographie collaborative des carrières souterraines

Gigand, 2011

Ce document restitue l’intervention faite le 18 mai 2011 aux Rencontres SIG la Lettre lors de la session « Pratiques amateurs, grand public, professionnelles… quelles influences et interactions ? ».

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Cartographie collaborative des carrières souterraines

Cette intervention présente le projet Catapatate démarré en 2008 comme la solution naturelle à des besoins de structuration et d’organisation de données géographiques issues d’explorations des carrières souterraines de l’Île-de-France.

Le développeur de l’outil et auteur de cette présentation, Jean-François Gigand, travaille actuellement [au printemps 2011] pour le Réseau Interministériel pour l’Aménagement du Territoire Européen (UMS 2414 RIATE) sur le projet d’Atlas Interactif des Régions Européennes, et a récemment fondé la société Geonef, spécialisée dans le développement de portails cartographiques en ligne.

Catapatate est né de besoins concrets et amateurs, loin du milieu professionnel de la géographie. C’est grâce à l’accessibilité des logiciels libres et à leur communautés dynamiques que ce projet s’est techniquement enrichi pour soutenir les besoins et contributions de la petite communauté d’explorateurs qui collaborent sur cette base géo-encyclopédique.

Sera tout d’abord présentée l’activité qu’est l’exploration des carrières souterraines et le besoin en SIG qui en ressort, puis la façon dont le projet a démarré puis s’est développé. Enfin seront exposés certains des développements futurs.

De nombreuses communes de l’Île-de-France sous-minées...

Depuis l’Empire romain, des carrières souterraines ont été creusées pour y extraire les pierres nécessaires à la construction des bâtiments. Aujourd’hui, de nombreux vides subsistent dont beaucoup sont accessibles avec ou sans matériel particulier.

Certaines carrières se situent à Paris, d’autres en proches banlieues et même au-delà. Leur topologie varie beaucoup selon les endroits. Le matériau exploité est souvent le calcaire lutécien, sinon le gypse ou la craie.

De nombreux passionnés explorent ainsi régulièrement ces vides souterrains pour le plaisir de la découverte ou de l’atmosphère toute particulière de ces lieux.

300 km de galeries sous Paris, et bien plus autour...

Voici la photo d’une galerie située sous un axe de rue du XIIIe arrondissement.

L’Inspection Générale des Carrières fût crée par Louis XVI en 1777 avec la mission de rechercher les vides existants sous la Capitale, les cartographier, et procéder aux travaux de consolidations requis pour en préserver la stabilité.

Cette galerie est ainsi façonnée d’un mur de pierres sèches de chaque côté, où jadis résidait un vide irrégulier avec des hagues et bourrages de remblais soutenant le ciel de carrière de façon relativement éphémère.

De nombreuses galeries comme celle-ci permettent de circuler sur toute l’étendue des carrières, entre 5 et 30 mètres de profondeur.

Des concrétions de calcite

La visite des carrières offre de nombreuses surprises.

Voici par exemple la photo d’un pierre appelée « la Méduse », d’après son apparence. De nombreuses concrétions de calcite se forment ainsi là où l’eau ruisselle ou goutte, avec leurs forêts de stalactites et stalagmites.

Sculptures réalisées par des explorateurs

Cette sculpture de château-fort fût réalisée en 2001 par des explorateurs sous le XVe arrondissement.

De nombreuses sculptures comme celle-ci ornent des parois, le plus souvent près de lieux où les explorateurs ont coutume de s’arrêter.

Où explorer ?

Mais comment découvre-t-on les accès menant à ces souterrains ?

En zone urbaine, il s’agit de puits surmontés d’une plaque à l’instar des bouches d’égout. En milieu rural, on trouve parfois des entrées en cavages, ou parfois des simples trous, dans la forêt par exemple.

Plans amateurs

Pour les connaître les accès, outre le bouche-à-oreille, le plus efficace est la recherche à partir de plans.

Les plans sont de fidélité et de qualités très variables. Il sont dressés par des explorateurs.

Un travail fastidieux est nécessaire pour repérer sur une carte de ville chaque puits potentiel marqué sur le plan.

Planches de l’Inspection Générale des Carrières

L’Inspection a cartographié la totalités des vides de carrière dont ils ont connaissance en un atlas composé de plusieurs centaines de planches.

Cet atlas est à l’échelle 1 : 1 000 dans la projection Lambert 1.

Il est extrêmement détaillé : y sont représentés les vides, les consolidations, les remblais, la masse, ainsi que les limites de trottoirs et les limites de bâtiments.

Sont également marqués les puits, pour la plupart remblayés ou ne comportant pas d’échelons, empêchant toute descente sans corde. En vérifiant chacun d’eux sur le terrain, il est possible de découvrir de nouveaux accès praticables.

Recherches sur le terrain

La recherche sur le terrain est donc inévitable...

Voici une entrée de cavage.

Puits avec échelons, dont la plaque a été ouverte.

Comment s’y retrouver ?

Au fur et à mesure des explorations, la collection des accès connus s’agrandit. Se souvenir de leur emplacement et de ses caractéristiques devient un enjeu.

Localiser ces accès sur une carte est alors indispensable.

Le module « Mes cartes » de Google Maps servit initialement à répertorier les accès. Mais les limites de ce service simple devinrent vite un obstacle.

Il était nécessaire de développer une solution Web s’appuyant sur une véritable base de données spatiale, en utilisant exclusivement des logiciels libres.

Cartographie des accès de carrières

Un outil SIG fût alors développé, en quelques semaines, pour permettre le placement sur la carte des accès connus et la saisie de leurs caractéristiques.

Dans les mois qui suivirent, lui fût ajouté d’autres type d’objets comme les réseaux, les rivières souterraines ou les lieux particuliers.

Géoréférencement des planches de l’Inspection

La carte n’était pas seulement utile pour gérer la collection des accès et autres types d’objets. La superposition de l’atlas de l’Inspection au fond de carte de Google Maps avec la semi-transparence était également un besoin premier.

L’atlas étant découpé en multiple fichiers bitmaps selon une grille, il fallait un moyen de les exploiter conjointement. Or, une telle couche géographique pour être affichée correctement dans le navigateur web doit être « tuilée », c’est-à-dire servie sous forme de multiples images. Mais la taille de ces image n’a rien à voir avec celle des planches de l’atlas. On devait faire appel alors à un serveur WMS : le logiciel MapServer fût choisi.

L’atlas et le fond Google étant projetés différemment (Lambert I et Spherical Mercator), il fallait également reprojeter les images, une opération nécessitant un algorithme complexe, mais heureusement fourni par MapServer.

Superposition des planches

Voici un exemple de superposition de l’atlas de l’Inspection sur la vue aérienne de Google. Les contours des bâtiments étant dessinés, il est aisé de vérifier l’exactitude de la correspondance.

On voit ici que l’erreur et minime. C’est le cas sur l’essentiel des surfaces couvertes. La précision de la cartographie de l’Inspection est exemplaire, certaines planches datant de 1902 !

Assemblement des planches : erreurs minimes

On voit ici la limite entre deux planches, à gauche et à droite, réalisées à des dates différentes. Les couleurs sont un peu différentes, mais surtout, on constate la non-continuité de quelques tracés de consolidations.

Ce type d’erreur est rare, et on ne remarque souvent pas limite entre les planches.

Architecture technique

L’architecture technique reprend les procédés classique d’un SIG web reposant sur les logiciels libres : une application codée en PHP, un serveur WMS servant les tuiles (MapServer) accompagné de son cache (mod-geocache). Les vecteurs sont stockés dans une base de donnée PostgreSQL avec la cartouche spatiale PostGIS, et servis par TinyOWS.

Sur le navigateur, l’application est entièrement écrite en Javascript avec l’aide du framework Dojo et de la bibliothèque OpenLayers.

Les standards OGC sont utilisés au maximum : les tuiles sont servies en WMS/WMST, les vecteurs en WFS, ce qui les rend accessible par tout autre client, tel que QGIS.

Amélioration de l’outil

Après une longue phase de maturation du projet durant laquelle une considérable masse de donnée fût entrée, une nouvelle version a été développée, apportant d’importantes améliorations.

Enrichissement des propriétés d’objets

En premier lieu, les caractéristiques des objets vecteurs tels que les accès ont été complétées : les modèles de données furent enrichis.

Sémiologie graphique des accès

Une autre amélioration concerne la sémiologie utilisée pour le rendu des objets sur la carte. Par exemple, il était urgent de pouvoir distinguer aisément les accès ouverts des accès fermés, sans avoir à cliquer sur chacun d’eux pour en visualiser les caractéristiques.

Nouvelles couches : galeries, lieux, secteurs, cours d’eau

D’autres types d’objets ont été ajoutés, tels que la délimitation des carrières, les secteurs, les galeries, les anciennes enceintes de Paris et les principaux égouts.

Importation & géoréférencement de plans amateurs

Un nouveau module vit le jour, permettant le géoréférencement interactif des plans amateurs dont on a parlé plus tôt.

Cette capture montre les emprises des plans géoréférencés.

Un clic sur l’un des rectangle fait afficher le plan lui-même en tant que nouvelle couche, dont on peut ensuite régler la transparence.

Exemple d’erreur de projection : le plan RATP

L’une des faiblesses du module de géoréférencement des plans est son incapacité à reprojeter les plans.

Ici, le plan RATP, probablement réalisé dans une projection française, pose problème lorsqu’il est superposé à la carte Google qui est projetée en Spherical Mercator.

La région ici visible est plutôt correcte car bien située par rapport aux points utilisés pour le géoréférencement.

Ici par contre, une forte erreur est visible.

Pour correspondre en tout point au fond de carte, il eût été nécessaire de déformer le plan selon le changement de projection.

Installation d’un Wiki

Le projet pris son essor lorsque lui fût ajouté un wiki. On utilisa le logiciel libre MediaWiki, qui est également utilisé (et fondé) par Wikipedia.

Ce wiki devait permettre la constitution petit-à-petit d’une véritable encyclopédie avec texte et photos, en complément de la carte.

Une véritable encyclopédie collaborative

Voici la page d’accueil du wiki.

Articles détaillés

Des articles détaillés ont été rédigés et agrémentés de photos.

Ici par exemple, la page sur l’Exposition Universelle de 1900, pour laquelle des aménagements furent faits dans une carrière du XVIe arrondissement.

À chaque objet géographique son article

À chaque création d’objet sur la carte (accès, galeries, réseaux...), une page correspondante est crée sur le wiki.

La page permet d’enrichir l’objet de façon illimitée, via le texte et les photos constituant l’article.

Mais si le wiki devient un véritable GéoWiki, c’est grâce aux deux zones, en bas et à droite, de chaque article géographique automatiquement générées d’après la carte.

Voyons tout d’abord la zone de droite.

Boîte de propriétés automatique

L’exemple de gauche concerne un réseau, celui de droite un accès.

Toute page wiki associée à un objet géographique s’affiche avec cette boîte, à jour d’après les données de la carte.

En haut, une mini-carte représente situe l’objet concernée sur le fond de carte approprié.

En dessous, sont listées les propriétés de l’objet. Dans l’exemple de droite, on apprend entre autres que l’accès est un escalier droit.

Un clic sur « Escalier droit » renvoie à la catégorie des escaliers droits, listant les pages pour tous les accès de ce type.

Toutes les pages d’objets géographiques sont ainsi catégorisées selon leurs propriétés, ce qui permet de naviguer entre elles via les liens hypertextes, d’après leurs propriétés communes.

Liens générés par des requêtes géographiques

Il s’agit d’une série de listes de liens vers d’autres pages géographiques. Ces listes sont les résultats de requêtes spatiales.

Dans la configuration sont enregistrées des requêtes spatiales pour chaque type d’objet géographiques.

Dans cet exemple, on a la liste des accès voisins par ordre de proximité, la planche concernée de l’atlas de l’Inspection, ou les plans géoréférencés qui couvrent le même territoire.

On peut ainsi naviguer parmi tous les objets géographiques de la base de données, selon leurs relations spatiales mais par des liens textuels !

Historique de la géométrie

Ces pages géographique s’associent automatiquement d’un historique de toutes les modifications apportées à leur géométrie et leur propriétés.

On voit ici l’exemple respectif d’un accès déplacé de 10 mètres environ vers le sud-ouest, et un réseau dont on a modifié les contours.

Discussion contextuelle à chaque article

Toutes les pages disposent d’une page de discussion associée.

Les discussions sont donc contextuelles à un réseau, un accès, une commune, un plan...

Projet en cours : carte détaillée

Pour aller plus loin dans la cartographie des carrières, serait possible de constituer une carte détaillée continue multi-échelles.

Certains explorateurs réalisent des plans d’excellente qualité, de chaque carrière indépendamment. Ces plans statiques, qui ont vocation à être imprimés, doivent obéir au compromis entre un format de page assez petit (côté pratique) et un grand niveau de détail.

Un plan continu interactif peut sélectionner les détails à montrer selon l’échelle d’affichage. Cette carte peut être déclinée en de multiples versions selon l’usage et le goût de ses utilisateurs.

C’est une carte collaborative, ce qui rend le projet complexe.

À l’instar du projet OpenStreetMap

Le défi de ce projet de cette carte est en fait exactement le même que celui d’OpenStreetMap, le projet officiel de carte topographique du monde, développée selon un modèle libre et collaboratif.

OpenStreetMap fonctionne, il est au point. Le monde entier n’est pas encore couvert mais le modèle de données, l’architecture serveur, l’application sont matures, étant donnée la quantité de données déjà présentes.

Une classification riche des objets de la carte

Voici par exemple une minuscule partie de la très longue page des « Map features » qui décrit les classifications à utiliser pour chaque ligne, point ou polygone.

L’architecture, libre, d’OpenStreetMap est donc à réutiliser car une carte de surface et une carte des carrières relèvent du même principe. Une nouvelle classification est à établir, une tâche longue et qui demande de l’expérience.

Visites virtuelles en panoramas

Voir l’article sur le sujet : Panorama Web.

Visite souterraine

Démonstration : http://carto.geonef.fr/t/panorama?url=http://public.geonef.fr/pano/test/cata_01.html

Panoramas en projection plate-carrée

Logiciels libres

Chiffres

Merci !